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La logique disparue
On dit que la société est ouverte, fonctionne en réseau,
est interactive.
Tout cela est faux.
La société n’a jamais été aussi fermée,
limitée, obscure, immobile et dénuée de toute logique.
La société dans son ensemble ne peut s’abriter que
derrière le décor en carton pâte que l’on voit
partout, des studios de télévision aux meetings politiques,
des festivals branchés aux animations de supermarché. Et
cet abri n’est qu’un symbole révélateur de notre
connerie. Avouez que ce rempart est assez maigre en plus d’être
immonde. Car le mauvais goût devient bizarrement de bon goût,
c’est-à-dire que les couleurs les plus vives, l’absence
totale d’union esthétique sont devenues la règle.
Toute la perte du langage et de la pensée découle de ce
symbole.
Non pas que ceux qui sont dans ce décor trouvent ça beau,
non, mais c’est rigolo de se croire dans un univers de dessin animé.
On en oublie d’être et par conséquent de pouvoir dire
et faire n’importe quoi. Quand le décor d’une émission
de télévision ressemble au décor d’un bar d’un
festival de rock, les individus participant à l’un ou l’autre
sont à peu près dans les mêmes dispositions mentales.
Et elles sont basses ces dispositions. Je ne vois aucune différence
entre le crétin qui se roule dans la boue en buvant de la Heineken
pendant un concert de Placebo (exemple) et le crétin qui participe
à l’émission c’est mon choix parce qu’il
se met des piercings dans le cul (exemple). Aujourd’hui il faut
savoir parler de manière insensée et par conséquent,
sans aucune mesure et logique. Et cette attitude quotidienne est amplifiée
par les pantins de la télévision ou de la radio. Imaginez
que les marionnettes telles que Beigbeder (que j’ai vu dans son
grotesque et stupide Hyper Show) parle vraiment de cette manière
dans la vie courante. Cela donnerait des conversations de boîte
de nuit à 5 heures du matin, en moins drôle, mais cette fois-ci
en pleine journée où vous et moi diraient « bite chatte
couille » à n’importe quel moment à n’importe
qui.
Ce procédé doit être employé avec les moyens
les plus indécents mais avec la plus grande confiance en soi. La
personnalité s’en trouve éclatée, morcelée
par les bribes de mots qui lui viennent à l’esprit mais n’ayant
plus de rapport avec la réalité. Outre les formules qui
passent incessamment par notre cerveau et fabriquées par des têtes
de nœud de la publicité (à fond la forme, vous n’imaginez
pas tout ce que… , bienvenue dans la vie.com etc.) ou de la politique
(la france d’en bas, changez la vie etc), les pires inepties sont
les plus communicables.
Chaque personne, de quelque niveau social, est maintenant capable de dire
n’importe quoi pour parvenir à ne plus communiquer afin de
ne pas avoir de réponses à son imbécillité.
Et chaque personne croit avoir le dernier mot alors que les conversations
se déroulent en parallèle sans atteindre qui que ce soit
si ce n’est une « interlocation » partagée. Celui
qui a réussi (économiquement parlant) ne peut être
qu’un idiot, consciemment ou non. Il a seulement su faire usage
de ce procédé pour parvenir à ses fins en attendant
la fin.
Toutes les activités liées à l’économie
ou même à la culture emploient des termes qui ne veulent
rien dire. Car ces termes ne sont pas encadrés par une articulation
logique.
Le débat sur la prévision du taux de croissance ne veut
rien dire pour personne, pas même pour ceux qui l’emploient
avec autorité (peut-être encore moins). Quelqu’un pourrait-il
expliquer de manière claire et logique la différence à
l’échelon individuel (ce qui importe pour tout être
humain) d’un taux de croissance de 1% ou de 2% ? Quelles conclusions
peut-on tirer d’une information donnant les chiffres du chômage
? Et cette information mensuelle a-t-elle réellement une importance
pour un simple individu ? Est-ce que cela peut changer sa manière
de penser ? Peut-il y réfléchir au-delà de l’annonce
du simple chiffre ? Même des dirigeants maniant les millions ne
savent pas réellement ce que signifie la chute de la bourse. Ils
savent seulement qu’ils gagneront moins d’argent mais ils
ne peuvent pas expliquer les tenants et les aboutissants de cette caractéristique
économique.
La machine roule toute seule et personne ne l’arrêtera jusqu’à
ce qu’elle se fracasse contre les murs du temps. Car le temps possède
sa logique.
Etienne Louis
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