Jean Douchet « la nouvelle vague »
édition la cinémathèque française/ Hazan, 358 pages, 495 francs





Jean Douchet livre un témoignage fourni sur la formation, l’esprit et l’aventure de la nouvelle vague. Ce témoignage est actif, du fait , d’abord, de l’auteur lui-même partie prenante de ce mouvement, puis, de l’analyse aussi bien sociologique, historique ou cinéphilique. Il ne définit pas précisément le terme « nouvelle vague » mais s’attèle à décrire les idées, les parcours. Il ne moralise pas. C’est un renouveau du cinéma mais il n’encense pas le mouvement. Il est juste positif : une expérience positive, une construction intellectuelle collective et individuelle positive, un volonté de créer autrement positive. D’ailleurs il écrit que la nouvelle vague n’est pas universelle, elle n’est qu’affaire de circonstances et aurait tout aussi bien pu se développer dans un autre pays. Mais c’est sûrement une histoire de génération.
Il peut être écrit que la nouvelle vague s’illustre par une génération marquée par la seconde guerre mondiale, par l’originalité de ses goûts cinéphiles développée dans la revue les cahiers du cinéma puis dans la mise en scène et le scénario de leurs propres films. Tourner en extérieur devient une exigence esthétique et même morale. Evoquer l’époque vécue devient un sujet essentiel. Jean Douchet retrace la dynamique collective qui s’instaure année après année. Les cinéphiles devenus critiques puis cinéastes, les producteurs amis ou eux-mêmes cinéastes et adhérant à ce mouvement, les critiques restant critiques et défenseurs de leurs amis, les acteurs symbolisant la nouvelle vague et même les techniciens.
C’est pourquoi cet ouvrage permet une lecture plurielle car disparate ou attentive grâce à une mise en page originale à l’image de son sujet. Le lecteur remarque des caractères normaux ou démesurés inspirés sans doute de ce que peut faire Jean Luc Godard dans ses films. Les intermèdes sont d’un enchaînement instantané. La nouvelle vague est prise sur le vif mais avec des années de recul. Les pages voient se succéder des textes décrivant l’époque et les circonstances formant la nouvelle vague, d’articles d’époque écrits par ses acteurs, de glossaire sur différents personnages illustrant la nouvelle vague.
Jean Douchet replace la nouvelle vague dans son contexte. Car ce mouvement se base avant tout sur le présent qu’il soit politique, social, artistique. François Truffaut, Jean Luc Godard, Eric Rohmer, Claude Chabrol, Jacques Rivette et les autres réagissent avant tout contre l’époque. Ils surgissent par le rejet des anciens, par un discours novateur. Ils modernisent le cinéma. La mise en scène devient beaucoup moins figée. Le récit est accéléré par des dialogues courts, vifs d’esprit. Le spectateur est pris dans un vertige de sentiments contradictoires. Les quiproquos, par exemple, se succèdent, l’individualisme de l’époque est restitué. Décrire le superficiel en faisant de l’esprit, s’intéresser à l’Histoire dans toute sa démesure pour en donner une vision absurde et individuelle. Il leur faut donner place à la dimension artistique du cinéma, l’individu doit pouvoir s’y exprimer et prendre de l’envergure alors que le cinéma était lourd car collectif et faisant intervenir énormément de moyens financiers et humains. Ces cinéastes démontrent que l’on peut en faire librement et facilement. Une émulation permet alors la réalisation en cascade de films. Mais il n’y a pas d’imitation entre eux, ce qui est remarquable vient justement du fait que différentes personnalités créent à l’aide de l’étiquette « nouvelle vague » des univers personnels. On peut croire François Truffaut qui écrit dans un article après que la mode sur « nouvelle vague » se soit estompée et se fasse critiquer « il n’y a jamais eu de nouvelle vague ».
Les cinéastes de cette époque survivront indépendamment de cette formule. C’est pourquoi la restitution de l’esprit collectif par Jean Douchet se fait naturellement et clairement. Ce n’est pas une mise au point mais une mise en action.

Etienne Louis






© Iconoclaste - 2000 - 2003 -