Karl Kraus, « Dits et contredits »
éditions Ivrea, 198 pages, 13 euros, 1993



Karl Kraus selon les indications biographiques de l’éditeur débuta en 1894 comme journaliste à la Neue Frei Presse et fonda sa revue Die Fackel en 1899.
Le journalisme de Karl Kraus n’est pas à prendre à la légère. La réflexion sur son temps s’étire, se développe et se tourne davantage vers la philosophie. Il lutta avec véhémence contre le journalisme tel qu’il était (est) pratiqué. Ses compromissions, son absence de lucidité semblent exacerber la plume de ce penseur.
Dans « Dits et contredits », Karl Kraus recherche par l’écriture d’aphorismes l’équilibre entre l’individu et la société, l’homme et la femme, les qualités et les défauts des caractères. Il essaie d’approcher une justesse de propos, renouvelée sans cesse au fil de ces aphorismes.
Cet équilibre se trouve être remis en cause par les pulsions, les influences sociales ou intimes de chaque individu, l’écoulement du temps, la morale de l’époque, etc. Karl Kraus navigue entre des sentiments de révolte, d’apaisement, de doute éprouvés dans l’observation de son temps pour parfaire son esprit.
Ecrire des aphorismes reviendrait pour lui à éduquer son esprit au même titre que faire de la gymnastique, corporelle cette fois-ci.
Il essaie de fixer le temporel dans cette forme d’expression. Il varie entre les stigmates de son époque et l’esprit pur et sans faille amenant la liberté de l’âme. Une seule ou quelques phrases conduisent, par leur brièveté, à une finesse d’esprit et à une synthèse implacable.

Il faut entretenir le tempérament d’une belle en sorte que l’humeur ne puisse jamais se déposer comme une ride. Ce sont là des secrets de la cosmétique de l’âme, dont la jalousie interdit l’application.

L’auteur n’a pas à se répandre dans un récit exposant faits, gestes et paroles pour en arriver à cette pensée. La rigueur d’appréciation et un style condensé parviennent à une profondeur d’analyse à mots couverts.

Je me trouve toujours sous la forte impression de ce que je pense d’une femme.

Autrement, et mal, dit une femme semble être, seule, digne d’une impression et d’enchanter son quotidien. Elle stimule donc autant l’érotisme que l’intellect de l’homme.
Ce procédé dénude l’être. Karl Kraus s’intéresse à son époque dans le seul but de retrouver l’essence de la vie, au mépris de tout artifice.

Le fanfaron d’immorale est plus proche du fanfaron de la morale que l’immorale de la morale.
C’est bien là le refus absolu de paraître, répété sous tous les angles.
Politique :
Le parlementarisme est l’encasernement de la prostitution politique.
Médical :
La différence entre les psychiatres et les autres malades mentaux, c’est un peu le rapport entre la folie convexe et la folie concave.
Littéraire :
Au commencement il y avait le service de presse, et quelqu’un le reçut, envoyé à l’éditeur. Puis il écrivit un compte rendu. Puis il écrivit un livre, que l’éditeur accepta et qu’il transmit comme service de presse. Le suivant, qui le reçut, fit de même. C’est ainsi que s’est constituée la littérature moderne.
Karl Kraus se situe donc hors et au sein de la société. Il dissèque toutes les faussetés avec à-propos, il aiguise sa plume et fait mouche à tous les coups. Bien que ses écrits datent d’un siècle, ils sont encore fort perspicaces aujourd’hui. Malheureusement.

 

Etienne Louis


 

 


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